Joseph FOURIER
THÉORIE
ANALYTIQUE
DE LA CHALEUR
Paris, Chez Firmin Didot, Père et Fils
1822
Auteur :
Joseph FOURIER
Thème :
PHYSIQUE
Chaleur. Thermodynamique
MATHÉMATIQUES
Analyse
Reprint 1988
16 x 24 cm
670 p.
Broché
ISBN : 978-2-87647-046-0
S O M M A I R E
Discours préliminaire.
I - Introduction.
- Exposition de l'objet de cet ouvrage.
- Notions générales et définitions préliminaires.
- Principe de la communication de la chaleur.
- Du mouvement uniforme et linéaire de la chaleur.
- Loi des températures permanentes dans un prisme d'une petite épaisseur.
- De l'échauffement des espaces clos.
- Du mouvement uniforme de la chaleur suivant les trois dimensions.
- Mesure du mouvement de la chaleur en un point donné d'une masse solide.
II - Équation du mouvement de la chaleur.
- Équation du mouvement varié de la chaleur dans une armille ; dans une sphère solide ; dans un cylindre solide.
- Équation du mouvement uniforme de la chaleur dans un prisme solide d'une longueur infinie.
- Équation du mouvement varié de la chaleur dans un cube solide.
- Équation générale de la propagation de la chaleur dans l'intérieur des solides.
- Équation générale relative à la surface.
- Application des équations générales.
- Remarques générales.
III - Propagation de la chaleur dans un solide rectangulaire infini.
- Exposition de la question.
- Premier exemple de l'usage des séries trigonométriques dans la théorie de la chaleur.
- Remarques sur ces séries.
- Solution générale.
- Expression finie du résultat de la solution.
- Développement d'une fonction arbitraire en séries trigonométriques.
- Application à la question actuelle.
IV - Du mouvement linéaire et varié de la chaleur dans une armille.
- Solution générale de la question.
- De la communication de la chaleur entre des masses disjointes.
V - De la propagation de la chaleur dans une sphère solide.
- Solution générale.
- Remarques diverses sur cette solution.
VI - Du mouvement de la chaleur dans un cylindre solide.
VII - Propagation de la chaleur dans un prisme rectangulaire.
VIII - Du mouvement de la chaleur dans un cube solide.
IX - De la diffusion de la chaleur.
- Du mouvement libre de la chaleur dans une ligne infinie ; dans un solide infini.
- Des plus hautes températures dans un solide infini.
- Comparaison des intégrales.
DISCOURS PRÉLIMINAIRE (Extraits)
Les causes primordiales ne nous sont point connues ; mais elles sont assujetties à des lois simples et constantes, que l'on peut découvrir par l'observation, et dont l'étude est l'objet de la philosophie naturelle.
La chaleur pénètre, comme la gravité, toutes les substances de l'univers, ses rayons occupent toutes les parties de l'espace. Le but de notre ouvrage est d'exposer les lois mathématiques que suit cet élément. Cette théorie formera désormais une des branches les plus importantes de la physique générale.
[...]
Pour fonder cette théorie, il était d'abord nécessaire de distinguer et de définir avec précision les propriétés élémentaires qui déterminent l'action de la chaleur. J'ai reconnu ensuite que tous les phénomènes qui dépendent de cette action, se résolvent en un très petit nombre de faits généraux et simples ; et par là toute question physique de ce genre est ramenée à une recherche d'analyse mathématique. J'en ai conclu que pour déterminer en nombre les mouvements les plus variés de la chaleur, il suffit de soumettre chaque substance à trois observations fondamentales. En effet, les différents corps ne possèdent point au même degré la faculté de contenir la chaleur, de la recevoir, ou de la transmettre à travers leur superficie, et de la conduire dans l'intérieur de la masse. Ce sont trois qualités spécifiques que notre théorie distingue clairement, et qu'elle apprend à mesurer.
[...]
L'étude approfondie de la nature est la source la plus féconde des découvertes mathématiques. Non seulement cette étude, en offrant aux recherches un but déterminé, a l'avantage d'exclure les questions vagues et les calculs sans issue ; elle est encore un moyen assuré de former l'analyse elle-même, et d'en découvrir les éléments qu'il nous importe le plus de connaître; et que cette science doit toujours conserver : ces éléments fondamentaux sont ceux qui se reproduisent dans tous les effets naturels.
On voit, par exemple, qu'une même expression, dont les géomètres avaient considéré les propriétés abstraites, et qui sous ce rapport appartient à l'analyse générale, représente aussi le mouvement de la lumière dans l'atmosphère, qu'elle détermine les lois de la diffusion de la chaleur dans la matière solide, et qu'elle entre dans toutes les questions principales de la théorie des probabilités.
Les équations analytiques, ignorées des anciens géomètres, que Descartes a introduites le premier dans l'étude des courbes et des surfaces, ne sont pas restreintes aux propriétés des figures, et à celles qui sont l'objet de la mécanique rationnelle ; elles s'étendent à tous les phénomènes généraux. Il ne peut y avoir de langage plus universel et plus simple, plus exempt d'erreurs et d'obscurités, c'est-à-dire plus digne d'exprimer les rapports invariables des êtres naturels.
Considérée sous ce point de vue, l'analyse mathématique est aussi étendue que la nature elle-même ; elle définit tous les rapports sensibles, mesure les temps, les espaces, les forces, les températures ; cette science difficile se forme avec lenteur, mais elle conserve tous les principes qu'elle a une fois acquis ; elle s'accroît et s'affermit sans cesse au milieu de tant de variations et d'erreurs de l'esprit humain.
Son attribut principal est la clarté ; elle n'a point de signes pour exprimer les notions confuses. Elle rapproche les phénomènes les plus divers, et découvre les analogies secrètes qui les unissent. Si la matière nous échappe comme celle de l'air et de la lumière par son extrême ténuité, si les corps sont placés loin de nous, dans l'immensité de l'espace, si l'homme veut connaître le spectacle des cieux pour des époques successives que sépare un grand nombre de siècles, si les actions de la gravité et de la chaleur s'exercent dans l'intérieur du globe solide à des profondeurs qui seront toujours inaccessibles, l'analyse mathématique peut encore saisir les lois de ces phénomènes. Elle nous les rend présents et mesurables, et semble être une faculté de la raison humaine destinée à suppléer à la brièveté de la vie et à l'imperfection des sens ; et ce qui est plus remarquable encore, elle suit la même marche dans l'étude de tous les phénomènes ; elle les interprète par le même langage, comme pour attester l'unité et la simplicité du plan de l'univers, et rendre encore plus manifeste cet ordre immuable qui préside à toutes les causes naturelles.Les questions de la théorie de la chaleur offrent autant d'exemples de ces dispositions simples et constantes qui naissent des lois générales de la nature ; et si l'ordre qui s'établit dans ces phénomènes pouvait être saisi par nos sens, ils nous causeraient une impression comparable à celles des résonances harmoniques.
Les formes des corps sont variées à l'infini ; la distribution de la chaleur qui les pénètre peut être arbitraire et confuse ; mais toutes les inégalités s'effacent rapidement et disparaissent à mesure que le temps s'écoule. La marche du phénomène devenue plus régulière et plus simple, demeure enfin assujettie à une loi déterminée qui est la même pour tous les cas, et qui ne porte plus aucune empreinte sensible de la disposition initiale.Toutes les observations confirment ces conséquences. L'analyse dont elles dérivent sépare et exprime clairement :
1- les conditions générales, c'est-à-dire celles qui résultent des propriétés naturelles de la chaleur ;
2- l'effet accidentel, mais subsistant, de la figure ou de l'état des surfaces ;
3- l'effet non durable de la distribution primitive.
Nous avons démontré dans cet ouvrage tous les principes de la théorie de la chaleur, et résolu toutes les questions fondamentales. On aurait pu les exposer sous une forme plus concise, omettre les questions simples, et présenter d'abord les conséquences les plus générales ; mais on a voulu montrer l'origine même de la théorie et ses progrès successifs.
CITATIONS
Henri Poincaré, Théorie analytique de la propagation de la chaleur, 1895
Reprint Jacques Gabay, 2008.
La théorie de la chaleur de Fourier est un des premiers exemples de l'application de l'analyse à la physique ; en partant d'hypothèses simples qui ne sont autre chose que des faits expérimentaux généralisés, Fourier en a déduit une série de conséquences dont l'ensemble constitue une théorie complète et cohérente. Les résultats qu'il a obtenus sont certes intéressant par eux-mêmes, mais ce qui l'est plus encore est la méthode qu'il a employée pour y parvenir et qui servira toujours de modèle à tous ceux qui voudront cultiver une branche quelconque de la physique mathématique.
J'ajouterai que le livre de Fourier a une importance capitale dans l'histoire des mathématiques et que l'analyse pure lui doit peut-être plus encore que l'analyse appliquée.
Arnaud Denjoy, Discours sur la vie et l'œuvre de Joseph Fourier, 1952
Fourier considère que la chaleur fournie à un corps extérieurement et le traversant, s'évadant par une autre portion de la surface, se propage à l'intérieur comme chemineraient à travers lui les molécules d'un fluide qui, pénétrant d'un côté, s'infiltrerait progressivement et, par l'autre côté, s'égoutterait. Le phénomène est impossible à saisir d'emblée en sa répartition et ses phases, parce qu'il est variable dans le temps et, en un même instant, aux divers points du corps échauffé. Mais, dans une très petite parcelle isolée par la pensée dans ce milieu, et dans une très courte durée, on peut admettre que la variation est insensible. Un carré de dix centimètres de côté se divise en cent carrés juxtaposés d'un centimètre de côté. Un cube de 10 centimètres de côté se partage en mille cubes cohérents d'un centimètre de côté. Fourier imagine de diviser le corps en très petits cubes bloqués ensemble. La chaleur dans chacun d'eux entre par trois faces rayonnant autour d'un sommet et elle sort par les trois faces opposées. Ce qui manque à la sortie ou, au contraire, ce qui se trouve en excédent est resté dans le petit cube pour l'échauffer ou, au contraire, l'a quitté en le refroidissant. Il n'en faut pas plus pour établir les équations dites de la chaleur, exprimant en langage d'infiniment petit ces phénomènes élémentaires. Le physicien exercé aux notions mathématiques a terminé sa tâche. Au mathématicien d'intégrer ces équations, c'est-à-dire de conclure du fait prouvé pour la parcelle inappréciable à l'évolution dans la totalité du corps.
Après la première tâche accomplie par l'observateur du monde, la seconde incombe à l'analyste. Au cours de cette investigation, Fourier rencontre un extraordinaire et puissant instrument fonctionnel, les séries trigonométriques. Elles bouleversèrent toutes les vues systématiques admises au début du 19e siècle et elles n'ont pas cessé d'obliger les mathématiciens à étendre en généralité toujours davantage les idées les plus fondamentales de leur science.