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LAVOISIER, Antoine-Laurent

LAVOISIER, Antoine-Laurent

 

Né le 26 août 1743 à Paris
Guillotiné le 19 Floréal de l'An II (8 mai 1794) à Paris

Chimiste
Philosophe
Économiste

 

 Extrait de l’article LAVOISIER (Antoine-Laurent), par Maurice Daumas, Dictionnaire des biographies, PUF, 1958

« Il naquit le 26 août 1743, à Paris, dans une famille d’origine modeste qui depuis un siècle ne cessait de voir s’accroître sa prospérité et tendait à rejoindre l’une des catégories sociales les plus représentatives de cette époque, la noblesse de robe. Il paracheva lui-même l’ascension de sa famille moins par ses travaux scientifiques que par sa fortune et les fonctions qu’il occupa dans l’administration royale.
Il commença par faire des études de droit, comme son père et ses deux grands-pères, et fut reçu avocat au Parlement de Paris. Il avait été élève du collège des Quatre-Nations où il avait étudié les mathématiques avec l’abbé de La Caille ; il y étudia aussi la philosophie de Condillac dont il devait longuement méditer la logique. C’est probablement vers la fin de ses études qu’il commença à s’intéresser aux sciences naturelles et il suivit les cours du Jardin du Roi, en particulier ceux de Jussieu et de Guettard ; il apprit la chimie au cours privé de Rouelle.
Ses premiers travaux remontent à 1766. Il s’occupa d’abord de minéralogie et accompagna Guettard au cours d’un long voyage dans l’Est de la France dans le but de recueillir les données d’une carte minéralogique. Il entra à l’Académie des Sciences, le 20 mai 1768, en qualité d’adjoint-chimiste. Deux mois auparavant, il était entré à la Ferme générale comme adjoint du fermier Baudon. Enfin il épousa, le 16 décembre 1771, Marie-Anne Paulze, fille du fermier général Jacques Paulze, directeur de la Compagnie des Indes.
C’est alors que débutent réellement ses grandes recherches qui en vingt ans devaient faire de la chimie une science exacte. Le sujet principal de ses travaux est constitué par l’étude des phénomènes de l’oxydation qui était alors expliquée par une théorie qui faisait intervenir un principe occulte, le phlogistique. Celui-ci s’échappait des corps brûlés, ou oxydés, pour se fixer sur les corps qui subissaient une réduction. Après avoir démontré que la théorie couramment admise ne rendait nullement compte des phénomènes il s’appliqua pendant plus de dix ans à découvrir puis à préciser le rôle que joue dans la combustion et dans la respiration l’oxygène que Priestley avait le premier isolé au mois d’août 1774. Ses idées furent très violemment combattues par tous ses contemporains pendant plusieurs années.
En juin 1783, il découvrit la composition de l’eau en répétant une expérience effectuée par Cavendish quelques jours plus tôt, mais que le savant anglais n’avait pas pu correctement interpréter. Il ne lui fallut pas moins de trois ans pour faire admettre l’exactitude de ses conceptions sur ce sujet ; cette longue polémique trouva son terme dans une expérience magistrale préparée avec minutie et effectuée devant un aréopage de savants dans son laboratoire de l’Arsenal, du 27 février au 7 mars 1785. Lavoisier et Meusnier effectuèrent successivement la décomposition et la synthèse de l’eau par des méthodes quantitatives qui ne laissaient plus de place au doute.
La théorie de l’oxydation conduisit Lavoisier à élaborer une théorie des acides qu’il exposa et développa dans une série de mémoires historiques en 1777 ; il bouleversait toutes les notions acquises sur la nature des composés minéraux et des réactions chimiques ; il introduisait une classification naturelle des corps et appelait un nouveau langage chimique qui serait l’expression même de ses théories. Cette nomenclature préparée par Guyton de Morveau fut établie par les deux chimistes autours desquels s’étaient rangés quelques savants : mathématiciens et chimistes qui avaient adopté les idées nouvelles. Créée par l’étude des gaz, cette chimie fut appelée par les contemporains : la chimie pneumatique. Elle triompha définitivement de la chimie phlogisticienne, entre 1787 et 1790, après la publication de la Méthode de nomenclature chimique, en 1787, et de la traduction d’un Essai sur la phlogistique de Kirwan, 1788, qui avait donné l’occasion à Lavoisier et ses amis de répondre aux objections des phlogisticiens.
Lavoisier avait publié en janvier 1774 les Opuscules physiques et chimiques, puis chaque année un grand nombre de mémoires dont la majeure partie porte sur ses travaux chimiques.
Mais d’autres mémoires ont aussi une grande importance dans l’histoire des sciences, en particulier les deux mémoires où sont relatés les travaux de calorimétrie effectués avec Laplace de 1781 à 1784. Laplace avait participé aux expériences sur la composition de l’eau.
Au mois de février 1789 Lavoisier fit paraître son Traité élémentaire de chimie, premier livre d’enseignement au langage moderne, qui devint par la force des choses son testament scientifique. Il préparait en effet un grand ouvrage, didactique encore, mais dans lequel il aurait exprimé complètement sa pensée et ses conceptions sur l’ensemble des sciences naturelles lorsqu’il fut incarcéré avec les Fermiers généraux au début de la Terreur. Il avait alors dressé un programme de recherches sur la chimie physiologique qui ont été à peine entreprises.
Presque toute sa carrière s’est déroulée à l’Arsenal qu’il habita de 1776 à 1792 en qualité de régisseur des Poudres et Salpêtres. Il demeura à la Ferme générale jusqu’à la suppression de cette institution et une grande partie de son activité fut consacrée aux questions de finance et d’économie politique. Son œuvre d’économiste n’a pas été encore étudiée en détail. Lié avec Turgot puis avec Necker, il participa au mouvement des idées libérales qui tenta vers la fin de l’Ancien Régime de rénover l’activité économique. Il s’occupa d’agriculture avec le même esprit et laissa le manuscrit d’un ouvrage sur la richesse territoriale de la France.
Suivant avec intérêt les débuts de la Révolution, il abandonna rapidement les quelques fonctions qu’il avait acceptées à cette occasion. La Ferme et la Régie des poudres supprimées, il se consacra encore à quelques activités scientifiques. Il fut l’un des principaux animateurs de la Commission des Poids et Mesures.
Ses origines, ses fonctions sous l’ancien régime expliquaient parfaitement son attitude à l’égard de la Révolution. Réformateur modéré, l’institution d’une monarchie constitutionnelle satisfaisait ses désirs ; mais il ne pouvait suivre ni les girondins, ni les jacobins au delà de ce programme. Il ne pouvait non plus échapper au sort de ses collègues de la Ferme générale qui, arrêtés le 28 novembre 1793, furent guillotinés le 8 mai 1794. »







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Référence: 096

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Ce qui manquait encore pour répandre la chimie pneumatique, c'était un livre d'enseignement pouvant servir de guide aux professeurs qui se ralliaient à la doctrine nouvelle. Ce livre d'enseignement, Lavoisier le donna dans les premiers jours de 1789 en publiant son Traité élémentaire de chimie.
Pour la première fois, maîtres et élèves, réduits jusque-là à la Chimie de Baumé ou au Dictionnaire de Macquer, avaient en mains un traité où la science était exposée, sans l'intervention du phlogistique, dans un langage nouveau et clair. Le succès en fut énorme, on s'empressa de le traduire à l'étranger ; les modestes professeurs qui y trouvaient un procédé simple et facile d'exposition l'adoptèrent avec enthousiasme. De tous les côtés, les félicitations arrivèrent à l'illustre maître qui pouvait enfin jouir de son triomphe.

[...]
Dans le Traité de chimie, Lavoisier publia ses recherches encore inédites sur la fermentation alcoolique, exécutées dans les années 1787 et 1788. Il avait découvert la transformation du sucre, constaté qu'il se dédouble en acide carbonique et alcool, déterminé le poids du sucre mis en réaction, les quantités d'alcool et d'acide carbonique produits. C'est à l'occasion de ce travail qu'il exposa la loi de la transformation de la matière :
« Rien ne se crée, ni dans les opérations de l'art, ni dans celles de la nature, et l'on peut poser en principe que, dans toute opération, il y a une égale quantité de matière avant et après l'opération, que la qualité et la quantité des principes est la même, et qu'il n'y a que des changements, des modifications. C'est sur ce principe qu'est fondé tout l'art de faire des expériences en chimie. On est obligé de supposer, dans toutes, une véritable égalité ou équation entre les principes du corps qu'on examine et ceux qu'on en retire par l'analyse. Ainsi, puisque du moût ou raisin donne du gaz acide carbonique et de l'alcool, je puis dire que le moût de raisin = acide carbonique + alcool. »
Édouard GRIMAUX, Lavoisier, 1743-1794, 2e éd., 1896

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