Né le 17 novembre 1717 à Paris
Décédé le 29 octobre 1783 à Paris
Mathématicien, philosophe et écrivain français
Extrait de l’Histoire des mathématiques, t. II, par
W. W. Rouse BALL, 1907
« Jean-le-Rond d’Alembert
naquit à Paris le 16 novembre 1717 et mourut dans cette même ville le 29
octobre 1783. Fils naturel du Chevalier Destouches, général d’artillerie, et de
Mme de Tencin, chanoinesse et sœur du futur cardinal-archevêque de
Lyon, il avait été abandonné par sa mère, qui avait réservé à son père le moyen
de le retrouver, sur les marches de la petite église de Saint-Jean-le-Rond,
située à cette époque à l’angle septentrional du grand porche de Notre-Dame.
Recueilli là, il fut porté chez le commissaire paroissial qui, suivant l’usage
adopté pour les cas semblables, lui donna le nom chrétien de Jean-le-Rond. Nous
ignorons pourquoi il s’annoblit par la suite. La paroisse le confia aux soins
de la femme d’un vitrier ayant un petit fonds de commerce non loin de la
cathédrale, où il semble avoir trouvé un intérieur agréable bien que modeste.
Son père, paraît-il, s’en serait occupé à un certain moment ; il aurait
fait les frais de ses études ; il reçut dès lors de bons principes mathématiques. Il lui légua en mourant, d’Alembert était alors âgé de neuf ans,
une pension de 1200 livres et le recommanda à ses proches, qui ne le perdirent
jamais de vue.
Tout enfant, on le plaça dans
le pensionnat de Bérée, au faubourg St-Antoine ; il profita beaucoup des
leçons de ce maître qui, dès l’âge de dix ans, déclarait n’avoir plus riens à
lui apprendre.
Agé de 12 ans, il fut admis,
par grand faveur, au collège des Quatre-Nations fondé par Mazarin ; on n’y
recevait que des boursiers choisis par la famille du cardinal, de préférence de
familles nobles, et originaires de l’une des provinces récemment annexées à la
France. Jean Lerond y fut admis comme gentilhomme.
Ses études y furent brillantes,
mais il n’y apprit point l’équitation, l’escrime et la danse, comme l’eût voulu
Mazarin ; l’Université de Paris refusa toujours de se conformer sur ce
point aux volontés du cardinal. Et d’Alembert, qui n’apprit pas les belles
manières dans son enfance, ne les connut jamais.
A la fin de l’année 1735, le
jeune écolier, alors âgé de 18 ans, fut reçu bachelier ès-arts. Il était devenu
excellent latiniste, il savait assez le grec pour lire plus tard dans le texte
Archimède et Ptolémée, il savait tourner une phrase en excellent français… sans
plus : là se bornait l’instruction des « honnêtes gens » de son
temps.
Ses maîtres, presque tous
prêtres, et jansénistes fervents, auraient voulu l’enrôler sous leur
bannière ; il s’y refusa, effrayé qu’il fût d’une pieuse ferveur qui
n’engendrait que la haine, et se livra tout entier aux études qui l’attiraient,
médecine, droit et surtout mathématiques, qui devaient bientôt l’absorber tout
entier.
Un essai qu’il composa en 1739
sur le calcul intégral et un autre sur les ricochets, paru en 1740, attirèrent
sur lui l’attention, et deux ans plus tard, il entra à l’Académie des sciences,
grâce en partie à l’influence de sa famille. Trait qui lui fait honneur, il
refusa absolument d’abandonner sa mère adoptive, avec laquelle il demeura
jusqu’à sa mort, en 1757. Sa mère adoptive ne voyait pas d’un bon œil ses succès
car, lorsqu’il fut parvenu au faîte de la renommée, elle lui reprochait de
perdre ses facultés dans des recherches inutiles : « vous ne serez
jamais qu’un philosophe lui disait-elle, et qu’est-ce qu’un philosophe ?
c’est un fou qui se tourmente pendant sa vie, pour qu’on parle de lui lorsqu’il
n’y sera plus ».
Il produisit presque toutes ses
œuvres mathématiques au cours de la période qui va de 1743 à 1754. La première
fut son Traité de dynamique publié en
1743 ; on y trouve énoncé le principe qui porte son nom, à savoir que
« les forces internes d’inertie » (c’est-à-dire les forces qui
s’opposent à l’accélération) doivent être égales et opposées aux forces
produisant l’accélération. Il pouvait être déduit du second texte de la 3e
loi de Newton sur le mouvement, mais les conséquences complètes de cette loi
n’avaient pas été envisagées jusqu’alors. L’application de ce principe permet
d’obtenir les équations différentielles du mouvement de tout système rigide.
Cet ouvrage plaça immédiatement
son auteur au nombre des premiers géomètres de l’Europe. La matière, difficile
et nouvelle, était traitée de main de maître, Lagrange en a dit :
« Le traité de dynamique
de d’Alembert, mit fin à ces espèces de défis (que se posaient les
mathématiciens du temps sur diverses questions de mécanique) en offrant une
méthode directe et générale pour résoudre ou du moins pour mettre en équations
tous les problèmes de dynamique qu’on peut imaginer. Cette méthode réduit les
lois du mouvement des corps à celle de leur équilibre et ramène ainsi la
dynamique à la statique. »
Les idées de d’Alembert ont
subsisté dans la mécanique actuelle.
En 1744, d’Alembert publia son Traité de l’équilibre et du mouvement des fluides dans lequel il
appliquait son principe aux fluides. Il obtint ainsi des équations aux dérivées
partielles qu’il ne pouvait pas intégrer. En 1745 il développa dans sa Théorie générale des vents, la partie du
sujet qui se rapporte aux mouvements de l’air, et, là encore, il fut amené aux
dérivées partielles. C’est à propos de ces deux questions qu’il jeta les bases
de la théorie si féconde des équations aux dérivées partielles. Une seconde
édition de cet ouvrage, dédiée en 1746 à Frédéric-le-Grand, roi de Prusse, lui
valut l’invitation de venir s’établir à Berlin et l’offre d’une pension ;
il déclina l’une et l’autre, mais dans la suite, cédant aux sollicitations, il
fit taire sa fierté et accepta la pension. En 1747, il appliqua le calcul
différentiel au problème des cordes vibrantes, et arriva encore à une équation
différentielle partielle.
[...]
Les principales recherches
mathématiques de d’Alembert sont surtout relatives à l’astronomie ; il
s’est occupé spécialement de la précession des équinoxes et des variations de
l’obliquité de l’écliptique. Ses études sur ces questions ont été réunies dans
son Système du monde publié en trois
volumes en 1754.
Le peu que nous avons dit des
écrits scientifiques de d’Alembert, écrits de la plus haute valeur et en fort
grand nombre, montre qu’il fut l’un des plus grands mathématiciens de son
temps.
Il exerça donc à juste titre
une influence considérable sur les esprits scientifiques du XVIIIe
siècle, mais là ne se bornent pas ses titres à la célébrité.
Dans ses dernières années il
s’occupa tout particulièrement avec Diderot de la Grande Encyclopédie. Il en
composa l’Introduction, et y collabora par de nombreux articles philosophiques
et mathématiques ; les meilleurs sont ceux relatifs à la géométrie. Son
style est brillant mais un peu libre, et reflète fidèlement son caractère hardi,
honnête et franc. Il défendait un jour une critique sévère qu’il avait
présentée d’un ouvrage médiocre par cette remarque ; « j’aime mieux
être incivil qu’ennuyé » ; et, avec le mépris qu’il éprouvait pour
les adulateurs et les fâcheux, il n’est pas surprenant qu’il ait eu, pendant sa
vie plus d’ennemis que d’amis, et que son élection à l’Académie française ait
été fort disputée.
D’Alembert ne se maria point.
On ne sait si c’est pour ce motif que Mme Geoffrin et la célèbre Mme
du Deffand, qui l’une et l’autre étaient ses aînées de vingt ans,
s’intéressèrent à lui au point de lui accorder pleinement leur puissante
protection.
Sa liaison avec Mlle
de Lespinasse, fille illégitime de la comtesse d’Albon, qu’il rencontra chez Mme
du Deffand, est restée célèbre. »
Référence: 064
Le Traité de Dynamique de d'Alembert offre une méthode directe et générale pour résoudre, ou du moins pour mettre en équations tous les problèmes de Dynamique qu'on peut imaginer. Cette méthode réduit toutes les lois du mouvement des corps à celles de leur équilibre et ramène ainsi la Dynamique à la Statique. Nous avons déjà remarqué que le principe employé par Jacques Bernouilli dans la recherche du centre d'oscillations avait l'avantage de faire dépendre cette recherche des conditions de l'équilibre du levier ; mais il était réservé à d'Alembert d'envisager ce principe d'une manière générale et de lui donner toute la simplicité et la fécondité dont il pouvait être susceptible. |
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Référence: 246
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