POINCARÉ : Œuvres, t. 6, 1953 - Géométrie. Analysis situs (Topologie)

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Henri POINCARÉ

ŒUVRES

publiées sous les auspices de l'Académie des Sciences
par la Section de Géométrie

Tome VI
Géométrie
Analysis situs (Topologie)

publié avec la collaboration de René Garnier et Jean Leray

Paris, Gauthier-Villars
1953

Auteur :
Henri POINCARÉ

Éditeurs :
René GARNIER
Jean LERAY

Série :
Poincaré - Œuvres

Thèmes :
MATHÉMATIQUES
Géométrie analytique et différentielle
Topologie. Mesure. Intégration

Reprint 1996
17 x 24 cm
552 p.
Broché
ISBN : 978-2-87647-176-4


S O M M A I R E

Géométrie

- Sur les transformations des surfaces en elles-mêmes (
C. R. Acad. Sc., t. 103, 1886, p. 732-734).
- Sur les transformations birationnelles des courbes algébriques (C. R. Acad. Sc., t. 117, 1893, p. 18-23).
- Sur les surfaces de translation et les fonctions abéliennes (Bull. Soc. Math. Fr., t. 29, 1901, p. 61-86).
- Sur les lignes géodésiques des surfaces convexes (Trans. Amer. Math. Soc., t. 6, 1905, p. 231-274).
- Sur les courbes tracées sur les surfaces algébriques (C. R. Acad. Sc., t. 149, 1909, p. 1026-1027).
- Sur les courbes tracées sur les surfaces algébriques (Ann. Éc. Norm. sup., t. 27, 1910, p. 55-108).
- Sur les courbes tracées sur une surface algébrique (Sitzungsberichte der Berliner math. Gesellschaft, t. 10, 1911, p. 28-55, publié en supplément de Archiv. Math., t. 18, 1911).

Topologie
- Sur l'Analysis situs (C. R. Acad. Sc., t. 115, 1892, p. 633-636).
- Analysis situs (J. Éc. Polyt., t. 1, 1895, p. 1-121).
- Sur les nombres de Betti (C. R. Acad. Sc., t. 128, 1899, p. 629-630).
- Complément à l'Analysis situs (Rend. Circ. Matem. Palermo, t. 13, 1899, p. 285-343).
- Second complément à l'Analysis situs (Proc. London Math. Soc., t. 32, 1900, p. 277-308).
- Sur l'Analysis situs (C. R. Acad. Sc., t. 133, 1901, p. 707-709).
- Sur certaines surfaces algébriques ; troisième complément à l'Analysis situs (Bull. Soc. Math. Fr., t. 30, 1902, p. 49-70).
- Sur la connexion des surfaces algébriques (C. R. Acad. Sc., t. 133, 1901, p. 969-973).
- Sur les cycles des surfaces algébriques ; quatrième complément à l'Analysis situs (J. Math. pures et appl., t. 8, 1902, p. 169-214).
- Cinquième complément à l'Analysis situs (Rend. Circ. Matem. Palermo, t. 18, 1904, p. 45-110).
- Sur un théorème de géométrie (Rend. Circ. Matem. Palermo, t. 33, 1912, p. 375-407).



E X T R A I T S

Henri POINCARÉ, Pourquoi l'espace a trois dimensions.

Article publié dans la Revue de Métaphysique et de Morale, 20e année, n° 4, juillet 1912.

« Les géomètres distinguent d'ordinaire deux sortes de géométries, qu'ils qualifient la première de métrique et la seconde de projective ; la géométrie métrique est fondée sur la notion de distance ; deux figures y sont regardées comme équivalentes lorsqu'elles sont « égales » au sens que les mathématiciens donnent à ce mot ; la géométrie projective est fondée sur la notion de ligne droite. Pour que deux figures y soient considérées comme équivalentes, il n'est pas nécessaire qu'elles soient égales, il suffit qu'on puisse passer de l'une à l'autre par une transformation projective, c'est-à-dire que l'une soit la perspective de l'autre. On a souvent appelé ce second corps de doctrine, la géométrie qualitative ; elle l'est en effet si on l'oppose à la première, il est clair que la mesure, que la quantité y jouent un rôle moins important. Elle ne l'est pas entièrement cependant. Le fait pour une ligne d'être droite n'est pas purement qualitatif ; on ne pourrait s'assurer qu'une ligne est droite sans faire des mesures, ou sans faire glisser sur cette ligne un instrument appelé règle qui est une sorte d'instrument de mesure.
Mais il est une troisième géométrie d'où la quantité est complètement bannie et qui est purement qualitative ; c'est l'Analysis Situs. Dans cette discipline, deux figures sont équivalentes toutes les fois qu'on peut passer de l'une à l'autre par une déformation continue, quelle que soit d'ailleurs la loi de cette déformation pourvu qu'elle respecte la continuité. Ainsi un cercle est équivalent à une ellipse ou même à une courbe fermée quelconque, mais elle n'est pas équivalente à un segment de droite parce que ce segment n'est pas fermé ; une sphère est équivalente à une surface convexe quelconque ; elle ne l'est pas à un tore parce que dans un tore il y a un trou et que dans une sphère il n'y en a pas. Supposons un modèle quelconque et la copie de ce même modèle exécutée par un dessinateur maladroit ; les proportions sont altérées, les droites tracées d'une main tremblante ont subi de fâcheuses déviations et présentent des courbures malencontreuses. Du point de vue de la géométrie métrique, de celui même de la géométrie projective, les deux figures ne sont pas équivalentes ; elles le sont au contraire du point de vue de l'Analysis Situs.
L'Analysis Situs est une science très importante pour le géomètre ; elle donne lieu à une série de théorèmes, aussi bien enchaînés que ceux d'Euclide ; et c'est sur cet ensemble de propositions que Riemann a construit une des théories les plus remarquables et les plus abstraites de l'analyse pure. Je citerai deux de ces théorèmes pour en faire comprendre la nature : deux courbes fermées planes se coupent en un nombre pair de points ; si un polyèdre est convexe, c'est-à-dire si on ne peut tracer une courbe fermée sur sa surface sans la couper en deux, le nombre des arêtes est égal à celui des sommets, plus celui des faces, moins deux ; et cela reste vrai quand les faces et les arêtes de ce polyèdre sont courbes.
Et voici ce qui fait pour nous l'intérêt de cette Analysis Situs ; c'est que c'est là qu'intervient vraiment l'intuition géométrique. Quand, dans un théorème de géométrie métrique, on fait appel à cette intuition, c'est parce qu'il est impossible d'étudier les propriétés métriques d'une figure en faisant abstraction de ses propriétés qualitatives, c'est-à-dire de celles qui sont l'objet propre de l'Analysis Situs. On a dit souvent que la géométrie est l'art de bien raisonner sur des figures mal faites. Ce n'est pas là une boutade, c'est une vérité qui mérite qu'on y réfléchisse. Mais qu'est-ce qu'une figure mal faite ? c'est celle que peut exécuter le dessinateur maladroit dont nous parlions tout à l'heure ; il altère les proportions plus ou moins grossièrement ; ses lignes droites ont des zigzags inquiétants ; ses cercles présentent des bosses disgracieuses ; tout cela ne fait rien, cela ne troublera nullement le géomètre, cela ne l'empêchera pas de bien raisonner.
Mais il ne faut pas que l'artiste inexpérimenté représente une courbe fermée par une courbe ouverte, trois lignes qui se coupent en un même point par trois lignes qui n'aient aucun point commun, une surface trouée par une surface sans trou. Alors on ne pourrait plus se servir de sa figure et le raisonnement deviendrait impossible. L'intuition n'aurait pas été gênée par les défauts de dessin qui n'intéressaient que la géométrie métrique ou projective ; elle deviendra impossible dès que ces défauts se rapporteront à l'Analysis Situs.
Cette observation très simple nous montre le véritable rôle de l'intuition géométrique ; c'est pour favoriser cette intuition que le géomètre a besoin de dessiner des figures, ou tout au moins de se les représenter mentalement. Or, s'il fait bon marché des propriétés métriques ou projectives de ces figures, s'il s'attache seulement à leurs propriétés purement qualitatives, c'est que c'est là seulement que l'intuition géométrique intervient véritablement. Non que je veuille dire que la géométrie métrique repose sur la logique pure, qu'il n'y intervienne aucune vérité intuitive ; mais ce sont des intuitions d'une autre nature, analogues à celles qui jouent le rôle essentiel en arithmétique et en algèbre.
La proposition fondamentale de l'Analysis Situs, c'est que l'espace est un continu à trois dimensions. Quelle est l'origine de cette proposition, c'est ce que j'ai examiné ailleurs, mais d'une façon très succincte et il ne me semble pas inutile d'y revenir avec quelques détails afin d'éclaircir certains points.
L'espace est relatif ; je veux dire par là, non seulement que nous pourrions être transportés dans une autre région de l'espace sans nous en apercevoir (et c'est effectivement ce qui arrive puisque nous ne nous apercevons pas de la translation de la Terre), non seulement que toutes les dimensions des objets pourraient être augmentées dans une même proportion, sans que nous puissions le savoir, pourvu que nos instruments de mesure participent à cet agrandissement ; mais je veux dire encore que l'espace pourrait être déformé suivant une loi arbitraire pourvu que nos instruments de mesure soient déformés précisément d'après la même loi.
Cette déformation pourrait être quelconque, elle devrait cependant être continue, c'est-à-dire être de celles qui transforment une figure en une autre figure équivalente au point de vue de l'Analysis Situs. L'espace, considéré indépendamment de nos instruments de mesure, n'a donc ni propriété métrique, ni propriété projective ; il n'a que des propriétés topologiques (c'est-à-dire de celles qu'étudie l'Analysis Situs). Il est amorphe, c'est-à-dire qu'il ne diffère pas de celui qu'on en déduirait par une déformation continue quelconque. Je m'explique en employant le langage mathématique. Voici deux espaces E et E' ; le point M de E correspond au point M' de E' ; le point M a pour coordonnées rectangulaires x, y et z. Le point M' à pour coordonnées rectangulaires trois fonctions continues quelconques de x, d'y et de z. Ces deux espaces ne diffèrent pas au point de vue qui nous occupe.
Comment l'intervention de nos instruments de mesure, et en particulier des corps solides donne à l'esprit l'occasion de déterminer et d'organiser plus complètement cet espace amorphe ; comment elle permet à la géométrie projective d'y tracer un réseau de lignes droites, à la géométrie métrique de mesurer les distances de ces points ; quel rôle essentiel joue dans ce processus la notion fondamentale de groupe, c'est ce que j'ai expliqué longuement ailleurs. Je regarde tous ces points comme acquis et je n'ai pas à y revenir.
Notre seul objet ici est l'espace amorphe qu'étudie l'Analysis Situs, le seul espace qui soit indépendant de nos instruments de mesure, et sa propriété fondamentale, j'allais dire sa seule propriété, c'est d'être un continu à trois dimensions. »
[...]
« Je fonderai la détermination du nombre des dimensions sur la notion de coupure. Envisageons d'abord une courbe fermée, c'est-à-dire un continu à une dimension ; si, sur cette courbe, nous marquons deux points quelconques par lesquels nous nous interdirons de passer, la courbe se trouvera découpée en deux parties, et il deviendra impossible de passer de l'une à l'autre en restant sur la courbe et sans passer par les points interdits. Soit au contraire une surface fermée, constituant un continu à deux dimensions ; nous pourrons marquer sur cette surface, un, deux, un nombre quelconque de points interdits ; la surface ne sera pas pour cela décomposée en deux parties, il restera possible d'aller d'un point à l'autre de cette surface sans rencontrer d'obstacle, parce qu'on pourra toujours tourner autour des points interdits.
Mais si nous traçons sur la surface une ou plusieurs courbes fermées et si nous les considérons comme des coupures que nous nous interdirons de franchir, la surface pourra se trouver découpée en plusieurs parties.
Venons maintenant au cas de l'espace ; on ne peut le décomposer en plusieurs parties, ni en interdisant de passer par certains points, ni en interdisant de franchir certaines lignes ; on pourrait toujours tourner  ces obstacles. Il faudra interdire de franchir certaines surfaces, c'est-à-dire certaines coupures à deux dimensions ; et c'est pour cela que nous disons que l'espace a trois dimensions.
Nous savons maintenant ce que c'est qu'un continu à n dimensions. Un continu à n dimensions quand on peut le décomposer en plusieurs parties en y pratiquant une ou plusieurs coupures qui soient elles-mêmes des continus à n-1 dimensions. Le continu à n dimensions se trouve ainsi défini par le continu à n-1 dimensions ; c'est une définition par récurrence.
Ce qui me donne confiance dans cette définition, ce qui me montre que c'est bien ainsi que les choses se présentent naturellement à l'esprit, c'est d'abord que beaucoup d'auteurs de traités élémentaires, qui n'y entendaient pas malice, ont fait au début de leurs ouvrages quelque chose d'analogue. Ils définissent les volumes comme des portions de l'espace, les surfaces comme les frontières des volumes, les lignes comme celles des surfaces, les points comme celles des lignes ; après quoi ils s'arrêtent et l'analogie est évidente. C'est ensuite que dans les autres parties de l'Analysis Situs, nous retrouvons le rôle important de la coupure ; c'est sur la coupure que tout repose. Qu'est-ce qui, d'après Riemann, distingue, par exemple, le tore de la sphère ? c'est qu'on ne peut pas tracer sur une sphère une courbe fermée sans couper cette surface en deux ; tandis qu'il y a des courbes fermées qui ne coupent pas le tore en deux, et qu'il faut y pratiquer deux coupures fermées n'ayant aucun point commun pour être sûr de l'avoir divisé. »



Jean LERAY, Préface du Tome VI des ŒUVRES de Henri POINCARÉ

« Quand Henri Poincaré rédigea en 1901 l'Analyse de ses travaux scientifiques, qui parut en 1921 dans le tome 38 des Acta Mathematica, il écrivit : « Une méthode qui nous ferait connaître les relations qualitatives dans l'espace à plus de trois dimensions pourrait, dans une certaine mesure, rendre des services analogues à ceux que rendent les figures. Cette méthode ne peut être que l'Analysis situs à plus de trois dimensions. Malgré tout, cette branche de la Science a été jusqu'ici peu cultivée. Après Riemann est venu Betti qui a introduit quelques notions fondamentales ; mais Betti n'a été suivi par personne. Quant à moi, toutes les voies diverses où je m'étais engagé successivement me conduisaient à l'Analysis situs. J'avais besoin des données de cette Science pour poursuivre mes études sur les courbes définies par les équations différentielles et pour les étendre aux équations différentielles d'ordre supérieur et, en particulier, à celles du problème des trois corps. J'en avais besoin pour l'étude des fonctions non uniformes de deux variables. J'en avais besoin pour l'étude des périodes des intégrales multiples et pour l'application de cette étude au développement de la fonction perturbatrice. Enfin, j'entrevoyais dans l'Analysis situs un moyen d'aborder un problème important de la théorie des groupes, la recherche des groupes discrets ou des groupes finis contenus dans un groupe continu donné. »
Les recherches, auxquelles Henri Poincaré se consacra pour toutes ces raisons, se poursuivent à l'heure actuelle si activement, si diversement et trouvent tant d'applications, qu'il est impossible d'en dresser ici un tableau même sommaire. Leur nom a changé : on ne parle plus d'Analysis situs, mais de Topologie algébrique ; leur définition aussi : leur objet ne semble plus être de « faire connaître les relations qualitatives de l'espace », mais d'attacher des notions quantitatives ou, plus précisement, algébriques à des données qualitatives ou, plus exactement, topologiques. C'est ce que fit Henri Poincaré qui, indiscutablement, créa toute la Topologie algébrique moderne : L. E. J. Brouwer s'inspira directement de Henri Poincaré quand il donna à la Topologie des polyèdres et des multiplicités cet aspect combinatoire, qu'Alexandroff et Cech devaient appliquer même aux espaces topologiques ; quand la théorie des enlacements devint prépondérante, grâce à Lebesgue et Brouwer, quand Alexander en tira son théorème de dualité et H. Hopf son invariant, la définition due à Henri Poincaré de l'intersection était la base de départ et son théorème de dualité le résultat le plus cité ; quand Birkhoff et Kellog, puis Schauder, révélèrent l'importance de la théorie des points fixes en Analyse et que Lefschetz découvrit sa célèbre formule, c'étaient le dernier Mémoire de Henri Poincaré et les premiers théorèmes de Brouwer qui donnaient leurs fruits ; quand Morse renouvela le calcul de variations, quand l'Analysis situs donna un nouvel essor à la Géométrie algébrique, ce fut aussi sous l'influence de Henri Poincaré ; on crut que la cohomologie était une notion entièrement neuve, jusqu'au jour où Élie Cartan en expliqua l'essence par une page de Henri Poincaré jusqu'alors incomprise ; Henri Poincaré définit, sous le nom de groupe fondamental, le premier groupe d'homotopie ; la découverte en 1935 par Hurewicz des autres groupes d'homotopie et de leurs propriétés, les si importantes applications qu'en firent de nombreux mathématiciens paraissent être les premières découvertes tout à fait étrangères à celles qu'avait faites Henri Poincaré. »

 

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